Petite visite guidée subjective de La Force de l’Art 02


L.F.D.A.02. - Grand Palais, Paris

« La Triennale de l’art en France », voulue en son temps par Dominique de Villepin, est de retour au Grand Palais, à Paris, jusqu’au 1er juin 2009. Elle ambitionne, selon les termes du Ministère de la Culture, d’offrir « une scène à la création contemporaine en France et aux artistes qui l’animent, dans la diversité de leurs origines et de leurs choix esthétiques ». La première édition fut très critiquée à l’époque : on dénonçait la tentative d’ériger un « art officiel », on critiquait « l’expo Villepin ». Trois ans ont passé, et cette seconde manifestation semble beaucoup moins controversée (même si on trouve encore quelques échos critiques par endroits).

En bref, cette année, on a droit à une expo plus ramassée : trois commissaires et une quarantaine d’artistes, au lieu de quinze et de presque une centaine, respectivement, en 2006. L’unité de lieu de la manifestation est donnée par Philippe Rham, architecte qui a mis en scène l’exposition selon le concept de « géologie blanche » (lire les explications d’André Rouillé). Concrètement, cela signifie que, les jours de grand soleil, il vaut mieux apporter une paire de lunettes solaires avec soi, avant d’arpenter les différents espaces d’un blanc immaculé qui compartimentent le vaste plateau installé sous la verrière…

Je m’y suis donc rendu dimanche dernier, muni d’un bon compte-rendu exhaustif et argumenté , trouvé chez Lunettes Rouges. En parfait amateur, je ne m’étendrai pas sur les choix des commissaires, la présence ou l’absence de tel ou tel artiste, etc., mais je me bornerai à signaler quelques-unes de mes découvertes personnelles :

Certaines oeuvres se singularisent par leur légèreté et leur caractère ludique, voire optimiste. Ainsi du Triomphe de la neige du Gentil Garçon (tout un programme !), structure de cristaux neigeux en mousse, avec en son centre un bonhomme de neige souriant, portant fièrement la carotte orange en guise de nez.

Cependant (est-ce un effet post-millénariste ? un effet crise ?), plusieurs oeuvres m’ont frappé par l’étrangeté, et pour certaines le pessimisme, voire la noirceur, qu’elles véhiculent. Nombreux sont les artistes qui font plus ou moins explicitement référence aux forces obscures de l’underground artistique, notamment musical : musiques et sous-cultures industrielles, metal, death metal

Silence is Sexy, Bruno Peinado, Grand Palais, 2009Ainsi de Bruno Peinado, dont la sphère-miroir gonflable respirant doucement au centre de la nef du Grand Palais s’intitule Sans titre, Silence is Sexy. Un titre qui fait référence à l’album éponyme du groupe Einstürzende Neubauten (groupe de musiciens allemands, pionnier des musiques industrielles et expérimentales depuis trente ans).

Frédérique Loutz, Grand Palais, 2009Frédérique Loutz réalise quant à elle de grandes peintures un peu rétro, au style surréaliste onirique et dérangeant, qui me rappelle les oeuvres plastiques de Steven Stapleton (artiste britannique surtout connu comme musicien via son projet industriel, expérimental et musique concrète Nurse With Wound).

Boris Achour, Grand Palais, 2009Boris Achour présente les accessoires (bâton, masque et bouclier) et la performance filmée d’un danseur de claquettes qui parcourt le plateau de l’exposition, toutes lumières éteintes. Son costume sombre et son masque blanc fantomatique et lumineux font penser aux déguisements Dada (le magicien d’Hugo Ball), eux-mêmes repris par les Residents, groupe de musiciens célèbres pour apparaître vêtus de smokings et coiffés de masques en forme de globes oculaires géants ou de crânes.

Damien Deroubaix, Grand Palais, 2009La palme de la noirceur revient cependant à Damien Deroubaix. Il met en scène, au moyen de peintures murales et de sculptures monumentales érigées sur des derricks de bois, les figures les plus violentes qui hantent les souterrains de la culture populaire : créatures chthoniennes tout droit sorties des livres de H.P. Lovecraft, Totenkopf (insigne à tête de mort arboré par les Waffen S.S.), squelettes géants, croix renversées, créatures S-M, clip vidéo du groupe de death metal américain Six Feet Under, etc.

Enfin, parmi les autres oeuvres dignes d’intérêt, je signalerai également le gigantesque « kebab » de livres de Wang Du, et la vidéo du making-of de la reconstitution  (ou reenactment, comme on appelle cette pratique aux Etats-Unis) d’un épisode de la Guerre de Sécession par James Coleman (sur les notions de « faux » mis en scène et de reenactment, lire aussi ce billet).

Avis à tous les retardataires, l’exposition se termine le 1er juin…

La Force de l’Art 02, au Grand Palais à Paris. Jusqu’au 1er juin. Site officiel de la manifestation et informations pratiques.

Une réponse à “Petite visite guidée subjective de La Force de l’Art 02”

Laisser un commentaire